Jia Zhang-ke a sorti sa plus belle perche à selfie pour l’occasion. Le réalisateur la promène, coiffée d’un smartphone fluet, tandis qu’il musarde sur le « red carpet » du festival de cinéma qu’il a créé, il y a un an, à Pingyao. Le tapis est du même rouge que les drapeaux de la République populaire chinoise qui flottent fièrement sur l’artère principale de cette bourgade touristique de la province du Shanxi, située à 585 km au sud-ouest de Pékin – Pingyao ne compte que 500 000 habitants, une bagatelle à l’échelle du pays. Lors du dernier Festival de Cannes, une escouade de six agents de sécurité veillait à ce qu’aucun selfie n’entache la montée des marches. A Pingyao, les régiments de l’armée, qui patrouillent à vive cadence durant toute la manifestation, laissent faire. Il serait inopportun de voir dans le geste de « mister Jia », comme on l’appelle ici, un bras d’honneur aux instances cannoises, qui ont sélectionné six de ses douze longs-métrages, dont le plus récent, Les Eternels,